Elle était attendue au point de ne plus l’être. Six ans après le ratage Lotus, Christina Aguilera a cette semaine sorti Liberation. Un opus annoncé et espéré à de nombreuses reprises au cours des dernières années et qui finalement sort un peu dans une sorte d’indifférence. Hormis, son noyau très très dur, peu de gens savent que celle qui fut l’une des pop stars principales des années 2000’s a lâché son sixième album. Il faut dire que le lancement du disque, il y a exactement six semaines avec le single Accelerate a été plutôt tiède voire carrément glacial, mais surtout tout le roll-out autour de l’album n’a pas déchaîné les foules. Aucune des chansons présentées au public n’a pu faire une entrée dans le classement Hot 100 américain, y compris sa collaboration avec Demi Lovato, pourtant vendue comme une sorte de reconquête absolue. Beaucoup y voyaient sa carte de visite auprès d’un jeune public qui n’a visiblement pas été séduit. Un contexte donc difficile commercialement, mais pas vraiment étonnant pour une chanteuse qui n’a pas connu de succès solo depuis douze ans, et qui de manière logique, est aussi un peu abandonnée par son label, qui préfère miser sur des chanteuses plus jeunes et plus susceptibles de gonfler les caisses. C’est aussi cette prise de conscience qui est mal vécue par Xtina.
Auparavant, reine de RCA, elle est devenue un sixième couteau (totalement visible sur le budget des clips et de la promo) et se sent donc “obligée” de se libérer. En effet, le sous texte du titre de cet album est la “libération” du mainstream”. Elle explique en longueur d’interviews et de références dans les chansons qu’elle est plus mature, ne veut plus être contrôlée par les labels, et entend faire pleinement ce qu’elle veut. Un discours qui aurait pu être crédible s’il n’avait pas déjà été tenu lors du lancement de son opus Stripped ( il y a 16 ans déjà) et s’il se vérifiait véritablement à l’écoute du disque. Dans Liberation, on retrouve beaucoup des gros noms de la production pop urbaine voire même un peu indé du moment, Kanye West, Anderson Paak, Dj Camper, Ricky Reek, ou encore MNEK. Elle a en réalité fait le même constat que toutes les autres pop stars, la scène s’est totalement hiphopisée : il faut donc suivre le mouvement.
Cette direction musicale nous permet de prime abord une très bonne chose, elle est obligée de travailler vocalement. Contrairement à l’opus Lotus où elle livrait un travail vocal de boucher, le son pop-urbain avec des touches soit R&B, soit faussement soul demande beaucoup de soin vocal, un soin vocal qu’elle essaie de délivrer ici et qui est une réelle bouffée d’air frais, une fois encore, comparé à son précédent forfait. Rien que sur l’outro du 1er single, on retrouve une Xtina presque assagie ou du moins disposée à se montrer plus humble. Toutefois ça reste assez insuffisant pour totalement incarner cet opus, qui bien qu’étant très calculé au niveau des productions, manque d’âme et de personnalité. En effet, dans ses envies de Liberation, Christina qui a en fait été toujours dirigée par son label n’a pas su totalement s’éloigner du carcan de la pop star, qui sait plus ou moins chanter, mais n’arrive pas à diligenter un projet parfaitement harmonieux musicalement sans qu’on ne lui tienne la main. Au-delà des tentatives de singles mainstream datées à leur sortie ( la fameuse chose Fall In Line qui est une réedit des titres Earned It de The Weekend et Dangerous Woman d’Ariana Grande), l’opus ressemble à un catalogue.
Comme si on avait embarqué différents univers sans que jamais ils ne s’embrassent les uns aux autres. Maria, la petite fille qu’elle dit recherchée sur le titre que lui produit Kanye, avec un sample de Michael, ne nous apparaît jamais clairement. Si la chanson en elle-même est sympathique (bien qu’étant un peu parodique au niveau des paroles), elle ne s’accorde pas vraiment avec Pipe qui est pourtant un autre très bon titre du disque, ou à Masochist qu’on pourrait aussi citer comme une réussite. C’est toujours un peu “surfait”, produit parce que ça semble bien de le faire, mais pas totalement vécu. Il y a par exemple une telle lourdeur dans son interprétation du titre de Gold Ink ( au demeurant frais et efficace) qu’on a du mal à croire que c’est vrai quand elle balance “ We Can Marvin Gaye and Get It On“. Peu chaleureux, sans passion, presque dicté, répété comme un exercice scolaire et c’est là que le bât blesse.
Malgré cette grande mise au point qu’elle promeut, et semble marteler ( y compris sur le rock’soul Sick Of Sittin), le compte n’y est pas. Elle met en fait encore une fois en relief ce manque de finesse qui lui est propre. Ce n’est pas parce qu’on hurle qu’on est libérée qu’on l’est, car finalement ce disque, a été conçu et pensé comme un disque de pop star en 2018, en picorant un peu partout et en espérant se faire la malle sur la scène hip hop et la scène indé, la seule vraie différence est qu’elle n’a plus les moyens du gros label et surtout l’attention du grand public pour le vendre. C’est pour ça qu’au final, sans que le disque ne soit mauvais, on ne le comprend pas. De quoi est-elle libérée hormis du fait de dire qu’elle est libérée ? “Liberation” ( sans être mauvais) n’est pas l’opus qu’il prétend être. C’est pas l’opus qui fera qu’on regrettera son absence dans les charts ou qui créera un manque immense auprès de ceux qui l’écouteront. C’est au contraire un opus qui montre que malgré tous ses grands discours, elle est finalement une pop star comme beaucoup d’autres, qui au-delà de la voix ( et encore) n’a pas des ambitions artistiques incroyables et qui a donc de besoin d’un bon directeur artistique, de quelqu’un avec une vraie vision pour lui permettre de créer le vrai grand album, qui lui permettrait de revenir sur la devant de la scène, avec un concept innovant ou différent de celui de ses consœurs. C’est ça qui serait une vraie “Liberation” dans son cas, et non un amas de productions à la mode ( et au demeurant sympathiques), mais chantées sans grande passion. On a plus l’impression comme avec Bionic qu’elle rassure son traître d’égo en se disant que si ses chiffres sont si mauvais, c’est parce qu’elle est en avance sur son temps,… au lieu de chercher à être réellement en avance sur son temps , ce qui est reste assez cocasse.
Triste réalité!
12.5/20.