Afin de bien comprendre ce 13e album de Mary J. Blige, il faut repartir à l’une des interludes du précèdent “The London Sessions”. Dans ce projet travaillé (comme son nom l’indique en compagnie de plusieurs producteurs anglais), la chanteuse se raconte et dans l’une des interludes face à Sam Smith, elle déclare en parlant de son public:  « And they watched me from the time I came out with my first album all the way up ’til now. Cause my life is public, it’s in front of the world… » ( Ils me regardent depuis mon premier album jusqu’à maintenant, parce que ma vie est publique, ma vie est aux yeux du monde).

Il n’y a finalement pas de meilleur moyen d’introduire ce nouvel opus de Mary J Blige et c’est d’ailleurs un symbole fort que ce soit fait avec une citation du précèdent, parce que comme on l’avait déjà signalé dans la chronique de « The London Sessions », elle a déjà dépassé le stade de simple chanteuse pour s’entériner dans la légende. Mary J Blige, ce n’est pas juste une artiste R&B qui pose sur des sonorités hip hop et minaude sur les refrains de certains rappeurs, ce n’est pas juste la dame aux multiples perruques qui s’essaie à une chorégraphie hasardeuse sur le tube » Family Affair ». Mary Jane Blige, c’est toute une histoire de ses débuts, passant par son histoire avec KCI, ses dépressions, ses problèmes avec la drogue, jusqu’au récent divorce, qui est donc le thème principal de ce nouveau disque. L’artiste (de talent) est tout autant importante que la femme qu’elle est et c’est ce qui fait sa force. C’est cette empreinte, cette humanité qu’elle transmet  qui fait qu’on lui pardonne quelques fois ses soucis de justesse, ou que son public a déjà totalement oublié la déroute que fut “The London Sessions“. En effet, comme un seul homme, ils se sont tous réunis derrière la chanteuse pour un démarrage à plus de 80.000 ventes, le meilleur pour une chanteuse R&B en 2017. Si les très bons singles “Thick Of It”et “U +Me” ont sans doute joué un rôle notable. On ne peut nier la dimension affective dans le très bel accueil de cet album. Sa fanbase s’est unie derrière dans cette étape difficile, qu’elle s’emploie à conter sur ce disque.

[Chronique] Mary J. Blige et sa « London session »

 

La force d’une femme.

Musicalement aussi, “Strength Of A Woman” sonne comme un retour à l’authenticité, le vitriol de sa vérité qu’elle met en avant dès les premières notes du fameux au piano “Love Yourself”, où elle est accompagnée par Kanye West. Après  « The London Sesssions » qui était assez expérimental (pour elle et qui a perdu son audience), elle revient au son R&B/Hip Hop dans un format américain qui a fait sa légende, en jouant les équilibristes entre une soul profonde et une touche hip hop moderne. Le meilleur exemple de cet état de fait n’est sans doute aucun “Set Me Free”, qui a cette classe jazzy et romanesque pour un texte pourtant moins classieux et assez virulent.  La technique employée sur ce projet n’est que rien n’est vraiment chanté ou écrit. C’est le sentiment, comme si elle était en live. Il n’y a pas le travail vocal soyeux et modéré qui lui était souvent imposé sur les précédents, comme les textes ne sont pas très travaillés. Un artiste camerounais résumerait bien la situation en disant “ça sort comme ça sort”. Ils veulent que l’auditeur soit touché et exagère donc un peu les traits. « Il y a une place spéciale en enfer pour toi, tu vas payer pour ce que tu as osé me faire à moi ». C’est ce qu’elle répète par exemple avec ardeur sur le refrain de ce fameux “Set Me Free” qui est une des incontestables réussites de l’album.

Pareil pour le suivant, « It’s Me » qui reprend la boucle mélodique de Rico Love, pour un texte où MJB s’emploie à rappeler à son homme (ex-mari) qu’elle est toujours la même femme et que c’est lui qui a changé. Elle ne fait pas que s’apitoyer sur son sort, toute la beauté du personnage réside dans le fait qu’elle vit des choses dures et trouve toujours les moyens de les surmonter. C’est donc ce qu’elle s’emploie à faire dans les titres suivants. « Glow Up » avec Missy & Quavo sonne comme un single parfait à l’ère de la trap actuelle, sans paraitre désuet comparé aux autres titres. Pareil, elle nous fait comprendre sur  “U + Me (Love Lesson)” où on la retrouve à son meilleur, sur ce qui est sûrement aussi l’une des meilleures chansons de R&B de 2017. C’est mélodieux, pointu, avec cette touche de mélancolie qui fait écho à son classique « Share My World ».

 

Toutefois, à trop vouloir tomber dans l’émotif avec un travail vocal brut, Mary frôle la caricature, tout comme à trop vouloir reconquérir un public oublié, la seconde partie du disque notamment semble plus convenue, moins audacieuse. Les titres de chansons “ Survivante” , “Indestructible”, ” Merci” sont finalement plus forts que les structures mélodiques de ces chansons, qui sont sans être mauvaises un peu convenues dans la formule. Il faudra attendre le très beau ” Smile” pour retrouver une Mary tout en subtilité ou encore “Strength Of A Woman” qui donne son titre à l’album, et qui sonne comme du kick’n’b de la fin des 90’s. C’est punchy, soulful et en harmonie avec le très beau “Hello father” qui clôt ce disque, qui se termine aussi bien qu’il s’ouvre. Il y a quelques moments de flottements au milieu, peu d’évolution de manière générale, mais il fait très bien ce pour quoi il a été crée, à savoir rassurer sa base.

https://www.youtube.com/watch?v=ncVEpIdNmRY

Ce ne sera pas un des grands albums de sa discographie, mais il montre qu’elle est encore et toujours capable de s’imposer sur la scène urbaine, 25 ans après ses débuts, et en restant fidèle à ses valeurs. Un monument !

14/20.

 

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