Il y a quelques mois, Jaheim a proposé son 7e album solo, “Struggle Love“. Un opus qui s’est écoulé à plus de 50.000 exemplaires, avec un démarrage à 16.000 ventes. Un score assez correct pour un artiste indépendant mais finalement décevant pour Jaheim qui est des meilleurs vendeurs strictement R&B de la décennie 2000. Ce n’est pas du tout un chanteur exposé, pas du tout un chanteur qu’on voit beaucoup, mais il a su, à un stade de sa carrière, construire et fidéliser une fanbase qui l’a longtemps suivi et le suit encore aujourd’hui, d’une certaine manière.
L’homme à la voix de velours arrive sur le devant de la scène en 2001 avec le single “Could It be“; son timbre chaud et suave lui vaut des comparaisons avec Luther Vandross, mais un Luther Vandross plus ghetto. Jaheim s’exprime un peu comme un rappeur, mais chante comme un loveur. Ce mix lui vaut une forte popularité chez les femmes, mais aussi chez les fans de rap fatigués de chanteurs R&B plus classiques comme Joe. Il apporte une sorte de bouffée d’air frais, tout en restant en réalité très classique et très classieux dans la réalisation de ses chansons.
Le premier album “Ghetto Love” trouve donc son public avec un démarrage à 80.000 ventes pour finir à 1.1 millions de ventes. En plus de “Could It Be” qui se classe à la 26e place aux U.S.A., l’album connait un autre succès R&B avec “Just In Case” qui n’est que 52e dans le hot 100 mais qui marquera la culture populaire et sera notamment aussi un succès au UK. Le dernier extrait de l’album, aux cotés du groupe Next, “Anything” est aussi un succès pour lui vu qu’il se classe 28e au hot 100. C’est l’ère de ses plus gros succès singles. Il n’est pas aussi populaire que des Usher ou Sisqo mais il acquiert un public. Il se fait sa place.
Always Ghetto.
Jaheim continue et confirme avec Put That Woman First. Le premier single de son second album Still Ghetto est un carton, son plus gros succès avec une 20e place au U.S.A.. Cette ballade soulful et groovy, avec des ingredients typiquement 80’s dans la construction, marque toute une génération de fans de R&B, lui permettant ainsi d’avoir 1.2 millions de ventes de cet album. Les 2 autres singles de l’album sont des mini succès dans les charts R&B mais n’entrent jamais dans le hot 100 américain. Toutefois, les chiffres montrent que sa voix lui permet de compter sur une fanbase qui ne veut pas le lâcher.
Le 3e album de Jaheim arrive en 2006. 4 ans d’absence. À cette époque, on pense que ça va durement heurter ces chiffres et c’est vrai dans un sens: Ghetto Classics n’a aucun succès single. Les 2 extraits, “Everytime I think About her” (avec Jaadakiss) et “The Chosen One”, ne sont pas des tubes, même pas des succès R&B, vu qu’auun d’eux n’arrivent à renter dans le top 30 des charts R&B. Cependant, Jaheim montre, à ce moment-là, qu’il a construit une fanbase bien solide. C’était le tout premier album de R&B sorti en 2006, une première semaine à 153.000 ventes et un final avec 500.000 ventes, soit le disque d’or.
La label est serein. Il rentre directement en studio pour enregistrer un autre album “The Makings Of A Man”. C’est aussi l’album de la transition; c’est le premier qui sort de la trilogie des “Ghetto” et il trouve un hit R&B avec “Never“, 76e au hot 100, 12e dans les radios R&B-Hip hop et 2e des radios R&B adultes à sa sortie. Il reprend, avec brio, la formule qui a fait ses plus gros succès populaires et ça fonctionne.
Keyshia Cole est invitée sur le second extrait. La chanteuse, au top de popularité à cette époque, est invitée sur le titre “I’ve changed”, envoyé aux radios mais malheureusement pas clippé.
Jaheim ne s’en plaint pas. 570.000 personnes achètent le disque; c’est un nouveau disque d’or… mais pas le dernier.
En 2010, on revoit Jaheim avec le titre “Ain”t Leavin Wihout you“; dans la bonne marmite old school, il ajoute une pincée de Hip Hop vintage. Les choses ne changent pas pour le chanteur et son public, encore une fois, répond présent. Les albums R&B se vendent très peu cette année-là; c’est le début de la crise mais pas pour Jaheim, aidé par les 2 singles (findin my way back/), il trouve le moyen de faire un démarrage à 112.000 ventes et de totaliser 450.000 ventes. Une autre certification pour un disque d’or.
Un autre round gagné.
En 2013, Jaheim arrive avec l’album Appreciation Day qui sera l’album de la fin de sa collaboration avec le label Atlantic. Il n’arrive pas à trouver le bon single et les radios adultes, qui d’habitude le soutiennent, sont plus frileuses. C’est le début de l’érosion de sa popularité qui est aussi due à un manquement du label. L’album trouvera néanmoins 200.0000 acheteurs, ce qui reste assez énorme sur la période et au vu des moyens engagés.
L’opus est un peu faible au niveau des mélodies et sans aucun live, sans aucune prestation télévisée, on ne pouvait pas s’attendre à de bons chiffres. En plus, il quitte le label au tout début de la promo en les accusant de sabotage. Un choix drastique qui intervient cependant un peu tard.
Un manque de soutien frustrant.
En effet, il souffre d’un déficit de notoriété parce que le label Atlantic Records n’a jamais su vraiment le promouvoir. Ils l’ont pris parce qu’il avait de bons titres, mais ne pensait surement pas le garder aussi longtemps. Il était censé être un parolier pour d’autres chanteurs R&B, mais c’est vers lui que les gens se tournent et le label ne sait pas quoi en faire. Ils n’ont jamais su vraiment comment le vendre et, en faisant le minimum, ça rapportait bien donc ils ne sont pas trop cassés la tête. Il a très peu de clips, très peu de couvertures de magazines, très peu de visibilité mais sur sa période, il a vendu bien plus d’albums que Joe, Marques Houston, Omarion et plusieurs autres chanteurs R&B très exposés. C’est la preuve qu’il a su toucher le cœur des gens et a acquis un public qui n’a pas cessé de le suivre, même s’il n’était pas forcement en tête d’affiche sur les médias traditionnels. Il n’a jamais été à une grosse cérémonie, n’a jamais gagné aucun prix… C’est vraiment une carrière dans la discrétion totale par rapport au mainstream et, pourtant, il totalise plus de 5 millions d’albums vendus.
Avec un label plus entreprenant et une aussi solide fanbase, il aurait pu faire au moins le double en étant plus soutenu dans le mainstream. La constance de ses chiffres montre qu’il y a toujours eu une attente et une réelle demande pour ce Rhythm and Blues un peu souterrain, loin du mainstream, mais qualitatif et rassurant pour une grande partie de l’audience.
Struggle Love, le nouvel album. La mini- chronique.
Son 6e album solo est un pur retour aux sources au niveau notamment des mélodies. Lancé par le très bon “Back in My Arms“, il fonctionne comme un cahier des charges où la voix grave de l’artiste cherche à remplir son contrat entre romantisme idyllique et légères pincées de hip hop. “Struggle Love”, la chanson qui donne son titre au projet nous fait fondre avec une superbe utilisation du saxophone. On ne résistera d’ailleurs généralement pas au fait que cet album vive de lui-même. L’utilisation de vrais instruments donne un groove particulier, un charme tout à fait singulier à ce disque qui ne souffre d’aucun souci d’authenticité. Il sait ce pourquoi il est là, et il le livre. A cet effet, “Be That Dude” et “ Side By Side” auraient pu être de très bons singles, tant ils mettent en avant le classicisme de l’artiste sans le déconnecter de cette vibe Hip-hop groovy qui le caractérise. Cet argument, garant de la qualité du disque pourrait aussi en être la faiblesse. En effet, ces 13 chansons, qui sont tellement dans l’esprit de ce qu’il a fait sur “Ghetto Classics” qu’elles pourraient ne pas être déterminantes sur l’ensemble de sa discographie. Certains diront que ce n’est pas un opus essentiel sur l’ensemble de son œuvre, mais c’est aussi un choix. Le choix d’une ligne artistique noble qui lui permet d’asseoir une des meilleures discographies des années 00’s.