Tweet, de son vrai nom Charlène Keys, est une artiste à la rare intégrité et qui a plus de 20 ans dans le show-bizz avec un succès critique conséquent. Portée aux yeux du grand public grâce aux singles “Oops Oh My” et “Call Me” en 2002, la chanteuse, qui vient de livrer son 3e disque, a cependant une carrière bien plus étoffée, avec une véritable idéologie, une idée précise de ce qu’elle est, de ce qu’elle fait et de la musique qu’elle veut promouvoir. À l’aube de son concert parisien, qui se tiendra le 23 Septembre prochain au bizz’art, retour sur l’histoire de cette femme.

Un envol difficile avec Sugah.

Charlène Keys nait un 21 Janvier 1972. Très vite, elle se passionne pour le chant en ayant pour modèles des chanteuses comme Janet Jackson, Tina Turner, Aretha Franklin, ou encore Whitney Houston. À cette époque, elle ne se doute pas encore qu’un jour, elle écrira pour cette dernière et fera les choeurs pour plusieurs de ses chansons. C’est juste une jeune New-Yorkaise, qui veut se faire sa place dans le monde de la musique. La chance lui sourit enfin au début des années 90’s. Elle rencontre deux autres filles, Susan Weems et Rolita White, avec qui elle forme le groupe Sugah. Elles se lient ensuite avec Devante Swing qui les signe sur son collectif de légende, le fameux “Da Bassentment Crew” qui est constitué de jeunes artistes découverts par Devante lui-même. On y retrouve Sista, Timbaland, Magoo, Ginuwine, Playa, Darryl Pearson et, bien sûr, Tweet. Une époque absolument magique et c’est donc à ce moment-là qu’elle fait la connaissance de Timbaland et de Missy Elliot qui, elle, fait partie d’un autre groupe, Sista.

Devante Swing veut faire de Sugah la version féminine de Jodeci. Elles sont censées être le groupe novateur qui va renouveler la scène. C’est donc sur elles que toutes les expérimentations sonores, qui mèneront plus tard aux opus d’Aaliyah et de Ginuwine, se font.

Si la plupart des gens pensent que Tweet côtoie Timbaland suite à la mort d’Aaliyah, c’est en fait le contraire. Elle et son groupe enregistrent suffisamment de chansons pour 4 albums dès 1994. Elle est au cœur même du son qui explosera en 1996.

Certaines chansons seront même fournies à Aaliyah par la suite. En effet, cette dernière enregistrera “Sugah & Spice” qui sera un bonus sur “One In a Million“.

La version originale a été enregistrée par Tweet dans Sugah en 1994, mais le groupe a du mal à exploser. En effet, si elle se lie d’amitié avec Missy, les projets n’avancent pas et Devante ne semble pas prêt à leur faire sortir un album dans les bonnes conditions. De plus, elle se revendique une âme plus soul que ses partenaires et n’est pas toujours d’accord avec la direction artistique.

C’est donc ainsi qu’elle décide de partir sans rien. Déçue par l’aventure et le manque de reconnaissance, elle rentre chez ses parents pour une période qui sera particulièrement difficile. Elle pense même au suicide, mais avouera tenir pour sa fille qui n’a qu’une dizaine d’années à cette époque. Elle enchaine les petits boulots, les mauvaises relations… avant que Missy ne finisse par faire appel à elle. Nous sommes en 1999… et l’espoir renait.

L’exposition aux côtés de Missy.

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Après le succès de Da Real World, Missy commence très rapidement l’enregistrement du successeur. C’est comme ça qu’elle pense à Tweet qui avait déjà fait les chœurs sur l’album “Welcome to Our World” de Timbaland & Magoo en 1997. Déjà amies, elles deviennent complices et Tweet posera sa voix sur 5 chansons du disque. Elle retrouve à ce moment-là tous ses anciens amis du Bassement Crew: Timbaland, Magoo, Playa, Ginuwine et, bien sûr, leur protégée Aaliyah. Le succès de l’opus de Missy la propulse et lui donne un vrai ancrage. Tout le monde la contacte, elle est sur le “Pain Is Love” de Ja Rule, “Dark Days, Bright Nights” de Bubba Sparxx,”Diary of a Sinner: 1st Entry” de Petey Pablo ou encore “Indecent Proposal” de Timbaland et Magoo.

 

Au même moment, Missy la signe sur sa structure Goldmind Inc., hébergée sur le label Elektra. C’est le début d’une nouvelle histoire. Tweet, dont on entend la voix absolument partout, commence l’enregistrement de son tout premier album. Un album qu’elle assume totalement différent de ce qui se fait sur la scène mainstream de l’époque. Elle écrit toutes les chansons avec Craig Brockman, qu’elle a rencontré lors de l’enregistrement de l’opus de Missy. Ils prennent la dimension d’avoir un album soulful, neo-soul avec des influences Quiet Storm. Missy lui laisse carte blanche sur la direction à suivre jusqu’au décès d’Aaliyah.

En effet, le 25 Aout 2001 a un certain impact sur la carrière de Tweet. Son album est presque terminé. Elle le présente au label Elektra, mais ces derniers estiment qu’il n’y a pas de hits singles. C’est donc là qu’ils font appel à Timbaland et qu’ils écrivent ensemble 3 chansons “Oops Oh My”, “Call Me” et “Sexual Healing Pt  2“. Ce sont des titres qu’elle dira un peu “synthétiques” comparés au reste du disque. Le premier deviendra cependant un énorme succès avec une 8e place au Hot 100 et une reconnaissance mondiale. Les paroles évoquent le plaisir de la masturbation et ce titre coquin et bien ficelé lui ouvre la porte des charts.

“Call Me”  (qu’elle avouera ne carrément pas aimer) suivra et sera 22e au Hot 100.

Elle collabore dans le même temps avec Trina sur le single “No Panties”.

 

 

Tweet devient l’une des nouvelles valeurs du R&B mainstream américain, mais la sortie de l’album Southern Hummingbird déroute justement une partie de son audience.

Southern Hummingbird, un classique soul moderne.

“Southern Hummingbird” signifie le colibri du sud. Il fait référence à la voix si particulière de la chanteuse: ce timbre, un poil aigu et si chaleureux à la fois, qui fait sa particularité. Une particularité qu’elle veut assumer sur le disque. En effet, là où beaucoup de gens s’attendaient, au vu de ses singles et de l’univers très urbain dans lequel elle baignait, à avoir un opus dans la veine d’Aaliyah, à savoir principalement produit par Missy et Timbaland, et/ou avec des textes de Static Major, Tweet a plutôt écrit son opus elle-même en proposant un bijou de neo-soul où les singles font un peu office d’ovni. Elle se rapproche à ce moment-là plus d’un D’Angelo ou d’un Bilal (invité sur le disque); cela perd une partie du public qui voulait d’autres “Oops Oh My” et “Call Me”, mais c’est une direction qu’elle assume. Le virage lui fait perdre les auditeurs mainstream mais lui ramènent la critique et un public plus aguerri. Dans l’album, on retrouve des influences soul et une dimension spirituelle qui guidera toujours son œuvre. La guitare est très présente à l’instar de titres comme “My Place”. Tweet tient donc aussi, évidemment, à mettre cette facette de son opus en avant et veut exploiter la chanson “Smoking Cigarettes” à cet effet. Le label est dubitatif..

Elle souffre de ce manque de confiance et ils imposent qu’elle tourne le clip d’une autre chanson du disque.

Là encore, c’est un bon titre mais c’est l’un de ceux qui sont le plus éloignés de son univers. Elle tourne le clip, mais les différences entre elle et la maison de disques font que la promo de l’album est annulée. Ils préfèrent stopper l’exploitation que la laisser totalement s’exprimer. Elle le vit comme une frustration mais aussi un bonheur car, 3ans plus tôt, elle n’aurait pas imaginé devenir une star mondiale avec un premier opus écoulé à 850.000 exemplaires.

La belle histoire continue donc pour elle. Elle est contactée pour écrire et faire les chœurs sur les albums de Whitney Houston, Monica, ou même Mark Ronson. Nommée pour un Lady Of The Soul Award, elle fait même une apparition dans le film “Honey” en 2003, avec la chanson “Thugman” dans la bande originale.

Elle commence à ce moment-là aussi à penser à son second album.

C’est encore elle.

L’enregistrement du second album de Tweet commence en 2004 et elle ne veut pas de Timbo cette fois-ci afin de pouvoir faire ses preuves elle-même. Au début ce cette année-là, Missy quitte aussi le label Elektra Records pour Atlantic Records. Elle prend bien évidemment Tweet avec elle dans ses bagages. Un choix que regrettera cette dernière. La relation entre Tweet et Atlantic sera malheureusement encore plus difficile que celle avec Elektra.

Le premier single de l’opus “Turn The Lighs Off” est envoyé dans les radios à la fin de l’année, mais il n’a pas l’effet escompté.

https://www.youtube.com/watch?v=YNqFIbmRYac

Dès le lancement, les moyens mis en place ne sont pas les mêmes et elle avouera avoir fait beaucoup de concessions au niveau du son de cet album (l’utilisation de samples notamment) dont la sortie est totalement bâclée. It’s Me Again arrive le 31 Mars 2005 sans aucune promo et sans réelle vision. Le single “Turn The Lights Off” censé toucher une large audience ne le fait pas.. et le public neo-soul n’est pas non plus totalement rattrapé. Elle le paie durement: elle passe de 195.000 ventes en première semaine à seulement 55.000 ventes par la suite. Atlantic en profite pour tout annuler. Les autres singles prévus “Taxi” (second single) et “Sport Sex and Food”, pourtant annoncés et promis par le label, passent à la trappe.

La critique lui fait tous les honneurs mais elle vit très mal cette période. C’est le retour de la dépression. La chanteuse raconte qu’elle passait ses journées à fumer et c’est aussi à ce moment qu’elle s’éloigne de son amie Missy et de tous ses anciens collaborateurs. Elle quitte le label Atlantic Records et signe chez Sony avec Matthew Knowles. Il est le père de Beyonce, le manager des Destiny’s Child et elle croit qu’il peut la relancer et lui faire oublier cet échec… Ce ne sera malheureusement pas le cas.

Perdue dans les airs.

La collaboration avec Matthew Knowles ne dure que quelques mois, les discordes artistiques sont trop claires; Tweet finit néanmoins par trouver des gens qui comprennent son projet musical. En 2007, elle signe chez Umbrella Records pour l’album Love Tweet. Elle enregistre le disque aux côtés des soulguys que sont Novel, Nisan Stewart et surtout Warryn Campbell. Le monde du R&B s’excite de nouveau et on croit à cet album du retour. Elle confirme le buzz en envoyant une demo de la chanson “GoodBye My Dear” en compagnie de T.I.

Rien ne suit et T.I. exploite finalement la chanson avec Ciara, l’année suivante. Par la suite, Tweet annonce une sortie de l’album pour le 8 avril 2008, mais c’est un autre rendez-vous manqué. Elle se lance alors dans un projet aux cotés de Bilal, Dwele et Joy pour l’album live “The Dresden Soul Symphony“. Un opus magnifique de reprises soul accompagnées d’arrangements symphoniques. L’album sort en Allemagne, est diffusé à la télé, et marche tellement bien qu’il y a une sortie DVD.

 

Tweet reprend confiance et décide de quitter le label Umbrella Records, qui retient son album depuis plusieurs années sans réelle solution. Elle abandonne aussi tous les titres et explique qu’elle a eu besoin à ce moment de retomber amoureuse de la musique. Elle réécoute la soul de ses débuts, The Suprêmes, les classiques de la soul des 70’s, comme pour se régénérer. À ce moment, elle n’est plus sûre de sortir d’autres albums, mais continue la scène.

Aucune Major ne la rappelle plus; Missy n’est plus réellement en haut de l’affiche donc ne peut rien pour elle.. et c’est en 2011 que Mc Lyte frappe à sa porte. Elle aime ce qu’elle fait et veut la signer. Tweet exige d’avoir une totale liberté artistique. Mc Lyte la lui accorde et elle signe sur le label au début de l’année 2012.

L’affirmation du Southern HummingBird.

À l’aube de sa quarantaine et après une décennie de bataille pour assumer la musique qu’elle avait envie de faire, Tweet ne veut plus faire aucune concession. Elle commence à parler à ses fans à travers les #TweetsTuesdays où elle balance chaque mardi des chansons inédites à ses fans. Ce sont pour la plupart des titres issus de ses précédentes sessions d’enregistrement et qui n’ont pas été exploités. Cette période de teasing se consolide avec un premier ep “Simply Tweet” composé de 5 titres. C’est un projet de Tweet, comme elle l’entend, comme elle le vit, totalement enregistré live avec de vrais musiciens et de vrais textes.

Elle se livre totalement sur ce mini-disque malicieux et extrêmement précis qui a un écho. Il se classe à la 30e place des charts R&B US. Un beau chiffre sachant qu’il n’y a eu aucune promo réelle au préalable. Le label indépendant EOne la contacte ensuite et lui donne carte blanche pour livrer un album au titre simple, mais fort et très évocateur, à sa propre image.

Le 3e opus de Tweet sorti au début de cette année s’intitule “Charlène“. C’est son prénom, certes, mais c’est aussi une manière d’affirmer qu’elle livre enfin l’album pour lequel elle s’est tant battue, celui qui lui correspond, la réelle définition de la musique qu’elle aime. Elle déclare :

“Je l’ai appelé Charlène parce qu’il vient du cœur. Il revient sur toutes mes premières inspirations, en particulier le gospel. Vous allez y en entendre tout ce qui a fait que je veuille chanter, tout ce qui m’a inspirée … avant que je ne devienne Tweet. C’est une version mature de Tweet. Vous allez aussi savoir ce par quoi je suis passée, les chansons sont comme les pages de mon journal intime”.

Au sujet des inspirations :

” J’ai énormément écouté Marvin Gaye, D’Angelo, Al Green, Bilal et beaucoup de gospel.  Vous savez, j’avais abandonné la musique à un moment donc j’ai réellement dû me plonger dans ce qui me semblait essentiel.”

Et ça se ressent à l’écoute du disque qui valse aussi bien avec la soul qu’avec le gospel, dans une unicité sonore étincelante. Timbaland lui envoie plusieurs titres, elle n’en prend qu’un seul, sur lequel, elle fait poser Missy : “Somebody Else Will“.

 

C’est un peu en souvenir du bon vieux temps et c’est surtout parce qu’ils font partie intégrante de son histoire. Une histoire qu’elle est aujourd’hui fière d’écrire et qu’elle défend actuellement sur scène dans de nombreux pays dans le monde. Elle n’a jamais eu autant de clips pour un seul album donc le label est ravi des chiffres qui, bien qu’ils ne lui permettent pas d’être en tête du Billboard, lui font toucher une partie du public R&B en faisant la musique qu’elle s’est battue pour faire. “Charlene” est un voyage émotionnel extrêmement riche, et le point culminant est sans doute la chanson “I Was Created For This“.

Tant de fois j’ai essayé de fuir
Je ne pouvais pas trouver le repos parce qu’il n’y avait pas de cachette
Et j’ai entendu une voix venue du plus profond  me dire
Voilà qui tu es, tu ne peux plus faire semblant”

Si différente, que je savais que je ne rentrerai pas dans une case
Mais je crois que j’ai été choisie et je n’abandonnerai pas
Donnez-moi une chanson pour me permettre de raconter mon histoire
et ma vie sortira juste pour votre gloire.”

Elle y évoque avec subtilité et grâce l’ensemble de son parcours et répète allègrement “I was created for this“, comme pour se rassurer parfois, comme pour se ré-affirmer souvent, mais toujours avec cette passion, cette rage de vaincre, rage d’être qui l’a animée tout au long de sa carrière et qui en fait une artiste totalement à part.

https://www.youtube.com/watch?v=8X4nCdZZIxk

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