Sans nuldoute, Lauryn Hill est une icône de la musique urbaine contemporaine. Soyons audacieux: elle a pondu l’un des derniers grands albums féminins « The Misesucation Of Lauryn Hill ». Opus d’une rare qualité, il est l’un de ceux qui changent la vie: un classique de la première à la dernière note.
L’album est sorti à la rentrée 98, 28 août qui fut un réel ras de marée pour son premier solo, après le succès retentissant de l’opus « The Score » du groupe The Fugees en 96 dont elle fut la chanteuse. D’ailleurs, l’opus a été en grande partie enregistré pendant la tournée qui a suivi, soutenant ainsi leur nouvel album, aujourd’hui écoulé à 18 millions d’exemplaires dans le monde et 8 aux U.S.A . L’album fut un tremplin pour la chanteuse, devenue à la suite de ce succès la seule femme nominée pour 10 grammys la même année et à en gagner 5 le même soir. Beau succès, en effet, car il préfigurait le prestigieux son « Album Of The Year »: une première pour un opus hip hop.
Ce fut un séisme dans l’industrie du disque. La presse ne manqua pas de se saisir de l’événement: elle fut la première artiste issue de la scène rap à faire la couverture du Times, succès retentissant donc qui lui permit d’avoir 15 belles années de tranquillité.
Bien qu’elle n’ait jamais réellement proposé de second album, Lauryn continue de faire des concerts très lucratifs et d’avoir un nom qui attire et passionne grâce à cet album, qui est réel un petit bijou.
Si vous ne l’avez pas écouté, n’hésitez pas à le faire, c’est peut être un des derniers albums féminins qu’on ait eu avec « Baduizm » d’Erykah Badu et « The Velvet Rope » de Janet Jackson.
Cependant, subsiste une sorte de désinformation, du moins une légère escroquerie autour de ce projet. Aussi, notre article y consacrera quelques lignes. Voyez vous, avant la sortie de cet album, propulsée par le succès des Fugees, Lauryn était vendue-promue-défendue comme une productrice-auteur-compositeur, interprète. C’est donc très naturellement que certains artistes ont fait appel à elle :Aretha Franklin pour «A Rose is still a rose » Aretha Franklin ou encore Cece Winams. Columbia Records, son label, a donc eu l’idée d’user le filon au maximum. Il faut savoir qu’à l’époque, il y a quelque chose qui fascine et qu’on appellera « The Prince Thing ». C’est à dire que Prince qui est à ce moment là sur son propre label surprend toute l’industrie et proposant des albums entièrement écrits, composés, produits et chantés par une seule et unique personne…. lui même. Fascinés et impuissants, les majors décident d’appliquer cette formule avec leurs artistes, n’hésitant pas à travestir la réalité.
C’est donc ce qui se passe avec Lauryn Hill et son « The Miseducation ». L’album est largement promu sur le fait qu’elle ait écrit, chanté, composé et produit toutes les chansons elle-même, toute seule. Sur le moment, cette fumisterie grossit le phénomène autour d’elle et crée l’immense admiration dont elle est sujette…. mais ce n’est pas vrai.
En effet, Lauryn Hill a composé « The Miseducation » à l’aide d’un groupe de 4 jeunes intitulés « New Art » (Vada Nobles, Rasheem Pugh, Tejumold et Johari Newton)à l’époque. Ils ont consciencieusement été éludé de la majeure partie des crédits par le label et la chanteuse pour lui construire cette image de génie… mais ces garçons ne sont pas laissés faire et juste après la sortie du projet. Ils ont porté plainte avec des documents et preuves montrant qu’ils avaient participé à l’élaboration de plus de 12 chansons de l’opus, bien qu’il n’y ait pas été cités. Ils y ont même rajouté les fameuses chanteuses produite pour Aretha Franklin et Cece Winams et dit avoir écrit plusieurs de ses versets à sa place.
[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=gtMUQbnT_Lo[/youtube]
Au vu du fort succès critique et commercial de l’opus à ce moment, Columbia Records et Lauryn Hill ont d’abord pris peur. Certains journalistes ont même cru qu’elle serait privée de grammys si l’histoire devenait un vrai scandale. Mais ensuite, Columbia et Lauryn ont décidé d’adopter une technique plus efficace. On a continué à axer la promotion sur Lauryn en la faisant passer pour cet ultime génie et en s’assurant de traîner les opérations judiciaires de l’autre coté. Quelque chose de très bien pensé. S’ils avaient payé les garçons au moment de la sortie du disque et au moment où ils portaient plainte, le statut, l’image de Lauryn aurait été égratignée et l’opus n’aurait jamais plus été vu de la même manière.Ils l’ont joué différemment: ils ont matraqué la chanteuse sur le devant de la scène, en faisant passer les garçons du groupe pour des menteurs, comme s’ils n’existaient pas. Puis… quand la promotion de l’opus s’est terminée, là ils les ont payés. Ils savaient très bien que l’album été rentabilisé, le statut de Lauryn était gravé dans la pierre : donc raison de ne plus de pas rechigner à perdre 5 millions de dollars en 2001, en payant les auteurs, tuant ainsi par la même occasion leur carrière potentielle.
En effet, le groupe New Art a immédiatement été blacklisté. Ils ne pouvaient plus travailler avec personne, parce que la machine qui portait Lauryn était trop puissante. C’étaient les garçons qui avaient porter plainte contre elle, et personne n’en voulait. Leur album, leur travail était ce qui se vendait le plus dans le monde à l’époque, mais personne ne voulait d’eux, parce qu’ils avaient osé se rebeller contre le système. Des années plus tard, ils reviennent encore dans une interview pour les 15ans de l’opus. La frustration de n’avoir jamais pu faire carrière ou d’avoir été considérés comme des parias sur le propre travail.. Au final, d’une certaine manière, le temps leur a donné raison.
2. La chute.
En effet, une chose que le groupe New Art reconnaît à Lauryn ( ici) ,c ‘est qu’elle avait la vision de l’opus. Elle est venue avec des idées qu’elle ne savait pas forcément mettre en œuvre . Ils affirment l’avoir fait pour elle. Ils ont écrit, composé, amélioré les sons et surtout produit. Cependant, une rivalité s’installe entre son ancien partenaire et collègue, Wyclef Jean: la chanteuse entend prouver qu’elle a tout fait. Wyclef Jean recolte tous les lauriers du succès de l’album « The Score » du groupe. C’est lui la star et c’est quelque chose qu’elle vit mal, qu’elle veut lui prendre selon ses sources proches de l’époque. Aussi, elle finit par le faire. Elle devient à ce moment-là la superstar des Fugees… mais l’histoire se retourne contre elle.
Chaque auteur-compositeur interprète ou producteur a souvent un style parfaitement distinct. D’ailleurs l’opus « The miseducation » a un style…quand il vous arrive d’écouter Stevie Wonder, Prince, ou même Ne-yo, que vous aimiez ou pas la chanson, vous savez qui est derrière la chanson. Vous reconnaissez la patte derrière la production. C’est une chose d’être un excellent artchitècte… ce qu’elle semble être et est d’ailleurs selon la plupart des dires, mais un architecte a besoin d’aide pour la réalisation de ses plus beaux projets et c’est ça qui a plombé Lauryn hill. Elle s’est retrouvée seule louée pour un travail titanesque…. mais qu’elle n’était pas nécessairement capable de reproduire d’elle-même.
Les producteurs et songwriters du groupe de New Art le diront ( tout en respectant et louant son talent) dans des interviews comme celle de Rolling Stone il y a quelques années, mais surtout son collègue dans les Fugees, Wyclef , à plusieurs reprises, n’hésitera pas à pointer le fait qu’elle “vole” des beats et se fasse créditer dessus. En 2007, pour le magazine Scracht, il déclarera qu’elle est le principal problème du retour du groupe parce qu’elle veut “ produire ” des beats :
A la question « de savoir ce qui empêchait le groupe de revenir, il déclare :
« Lauryn Hill est le principal problème. Elle veut être productrice. Ne vient pas nous dire comment monter un beat pour pouvoir ensuite dire que c’est toi qui l’a fait.
Qu’est ce qui vous fait croire qu’elle s’emparera des crédits ?
Nous avons fait un remix avec Lauryn pour la chanson « How High » de John Legend et il disait nos noms dans la chanson. Elle était pas contente et lui a demandé d’enlever les noms de Wyclef et de Jerry Wonder parce qu’elle voulait que les gens croient qu’elle était la seule à avoir fait le beat. Je suis un producteur, un beat-makeur, avec mon cousin jerry wonder et aussi un parolier. Elle est une parolière, une bonne vocaliste et elle sait choisir ses samples mais elle ne pourrait pas les produire même si c’était pour sauver sa propre vie.
Donc , elle n’a fait aucun des beats pour lesquels, elle est créditée :
C’est simple, si tu as fait les beats, où sont ils ? Montres-nous un beat que tu as fait, refais-le devant nous. Si vous m’amenez dans un studio et que vous me dites de faire un beat devant les cameras, en 2 minutes, c’est fait. Ramenez Lauryn avec la même camera, donnez lui 3 heures, enfin non, merde, donnez lui un mois, fais un beat. Elle n’y arrivera pas.
L’interview entière ( et en anglais bien sur) est retrouvable ici et ici date de juillet 2007.
Il fait référence à cette collaboration entre Lauryn et John Legend, le remix de la chanson ” So High” sur lequel elle pose ( et qui sera nominée pour un grammy) mais qu’elle n’a pas produit. Il explique cependant qu’elle a demandé à John Legend de ne plus dire son nom dans la chanson pour faire croire au grand public qu’elle était derrière la production du remix.
[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=QffYDx8mlc4[/youtube]
Les nombreuses entrevues de Wyclef ( aussi la radio américaine) avaient fait grand bruit et on peut voir ça de deux manières. Soit, c’était toujours cette histoire de rivalité et de vengeance entre les 2 amants, soit Wyclef a effectivement raison et Hill malgré sa grande culture musicale, son talent de song-writer a effectivement du mal à produire un son toute seule.
Cette théorie se vérifie aussi quand on écoute l’autre album Unplulgged de Lauryn Hill sorti en 2002 et vendu à 450.000 exemplaires, un énorme échec. Comme on le disait plus haut, chaque song-witer, producteur, auteur a une patte qu’on ne retrouve pas du tout dans ce projet. Au contraire, les chansons ont un caractère très inachevée ( et la critique le lui a beaucoup reproché) au niveau des mélodies et des finitions. Pourquoi? Parce qu’elle était seule et quand on voit plus loin et qu’on écoute les chansons récentes qu’elle a proposées :le flow est encore là , mais la créativité au niveau des productions est nulle, voir totalement amateur, rien à voir avec le travail léché et subtilement réalisé sur The Miseducation. Tout ce que le groupe New Art a dit avoir fait pour elle ( y compris les titres pour aretha et cece winams) est très cohérent.. Mais dès qu’ils ne sont plus là, on a énormément de mal à cibler Lauryn artistiquement.
[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=jBBxFKCAaCo[/youtube]
Et c’est sûrement une des raisons qui fait qu’elle soit autant bloquée. C’est une visionnaire, comme l’était Michael Jackson, comme l’est Janet, comme le sont Maxwell, D’angelo et pleins d’autres. Seulement, ces artistes ont eu besoin d’aide pour totalement s’accomplir. Le fait qu’elle soit sortie du carcan des producteurs connus et commerciaux des 90’s pour aller bosser avec de simples inconnus, c’est déjà formidable, et ça l’est encore plus quand on écoute le résultat. Cependant, elle aurait sans aucun doute du les mentionner pour le travail qu’ils ont accompli. Cette manie qu’elle semble avoir de tout vouloir faire ou alors d’être créditée sur tout n’est pas forcement saine et ne l’a pas grandi. Un de ses proches disait encore dans le Rolling STone qu’elle n’a plus jamais été la même après la défaite face à ses garçons, c’est dommage parce qu’en les gardant à ses cotés, elle aurait pu se façonner une formidable discographie, pour notre plus grand plaisir à tous.
Triste Réalité!
*Toutes les informations abordées dans cet article sont vérifiables et confirmables à partir de sources comme le Rolling Stone, L. A Times, Stereogum Magazine,XXL Mag et plusieurs autres médias américains.*