Il n’a que 23 ans et pourtant son talent ne se dément pas. Depuis 6 ans déjà, Tory Lanez enchaine les projets musicaux aussi différents les uns que les autres; il a sorti plus d’une dizaine de mixtapes afin d’arriver à la sortie de son premier album “I Told Ya“, introduit aux grands publics par les singles “Say It” et “Luv”. À la production, le jeune homme a été accompagné par Benny Blanco, Cashmere Cat (pour toucher un public plus pop) et ensuite, Two Inch Punch, Noah Breakfast, Frank ou DJ Dahi qui tiennent la chandelle sur le reste du disque de 14 chansons.

C’est toujours un risque pour un artiste comme lui qui a proposé autant de projets différents gratuitement de se trouver un réel créneau porteur, d’autant plus que Tory a toujours assumé les grands écarts entre ses différentes sorties. Il est capable de proposer une mixtape R&B old school, puis une mixtape rap, puis une mixtape trap et ensuite une mixtape R&B alternatif. Il touche à tout, sait tout faire, et a refusé de se choisir un créneau porteur.

Une erreur marketing réelle comme le montre les mauvais chiffres de l’album aux USA. Visuellement, “I Told You” a un visuel bien fringant et frimeur qui correspond à un album de rap.. et qui s’éloigne très largement du single plus sucré qui l’a fait connaitre au grand public : “Say It“. L’album s’ouvre sur la chanson qui donne son titre à l’album, un titre trap sympathique et assez carré. Son flow est revanchard, et il y a une sorte de crescendo tout au fil de la chanson, vu que la seconde partie “Another One” est encore meilleure et plus efficace que la première. Toutefois, on ne peut s’enlever de l’esprit l’influence de Future notamment dans l’intonation des phrases. Drake reste aussi dans l’esprit, vu qu’il est finalement devenu l’exemple mainstream de ce créneau du chant-rappé.  Sur la chanson “Loners Blvd“, Tory s’est largement inspiré du titre ” Look What You Have Done” de son meilleur ennemi de Toronto, et il sample aussi sa chanson “We’ll Be Fine” sur pas moins de 2 fois, sur les titres :  “Friends With Benefits” et “4am Flex”. Très clairement donc, malgré ce qu’il en dit en public, Drizzy reste une exemple pour ce jeune homme… tout simplement parce qu’il n’a pas encore trouvé son véritable point fort.

“I Told Ya” manque en fait de réalisme, car ce n’est pas vraiment un album. C’est une compilation de tout ce qui se fait en ce moment, parfois bien, parfois de manière moyenne, mais il touche à tout. Ce n’est pas une mauvaise chose en soi, un peu de trap, un peu de R&B electro, un peu de R&B alternatif, un peu de rap, sauf qu’il n’y a pas de liaison aussi bien sonore que stylistique entre les différents titres. Il est capable de raconter une histoire, de nous balader à travers différentes portes via ses textes et c’est brillant d’avoir pris le parti de faire un opus qui raconte une histoire. Ceci étant, on ne dirait pas quand on passe de la chanson trap au titre R&B que c’est le même artiste (car ça reste néanmoins très inspiré) et surtout que c’est le même album. Il y a un talent indéniable, et des titres comme “Cold Case Love”, “Flex”  (qui sonne réellement encore une fois comme une chanson de Drake jusqu’au niveau du phrasé) ou “To D.R.E.A.M.” ne font que confirmer ce qu’on savait déjà; mais l’agencement de cet album (surtout comparé à ses mixtapes) ne fait pas justice à toutes ses capacités. C’est trop quadrillé; si bien que ça manque de vision et de réelle direction artistique. Quand “Luv” ( sa version de Controlla)  arrive à la fin avec ses allures pop, on ne comprend ni comment, ni pourquoi elle est là aussi bien au niveau des paroles que du son, qui est encore totalement à l’opposé de tous les précédents titres qui sont eux même déjà trop éloignés les uns des autres.

En résumé, si l’accueil du public est assez glacial et pas totalement mérité au vu de son talent. Il peut se consoler en se disant que ce premier essai, se tient pour ce qu’il est et n’a les défauts réels que d’un premier opus. C’est mignon, il n’a pas encore réellement pris ses marques, tâtonne un peu… mais il ne peut que s’améliorer avec le temps, pour trouver la formule qui lui permettra d’aller jusqu’au bout de ses indéniables capacités.

13/20.